Résumé
Le Monde Homérique
Le monde grec ancien a certaines ressemblances à notre monde:appréciation de belles choses, admiration de nobles qualités, sens de la fête. Mais il y a aussi des différences importantes. Il y a la fonction de poète-musicien qui dit ce qui se passe dans la culture et ce qui est important et comment y réagir. C’est Homère pour les grecs, ou l’aède aveugle dans l’Odyssée. Selon Dreyfus c’était la fonction de Bob Dylan dans les années 60, et il pose la question à la classe de qui remplit ce rôle aujourd’hui. Plus étranger à nous est la croyance en toute une série d’êtres surnaturels: démons, demi-dieux, nymphes, et furies. Ils sont rélégués aux marges du monde homérique, et Homère se concentre sur le panthéon des Olympiens. Il attribue tout sens et autorité à ces dieux et ainsi ouvre un monde cohérent et glamourisé, le monde homérique. Avant Homère il n’y avait pas ce monde unifié pour donner cohérence et sens et un cadre de référence commun aux grecs. Nous pouvons comprendre tout ceci en le comparant au rôle de la Bible dans notre culture pendant les siécles chrétiens: la Bible était donatrice de sens, connu de tous, citée comme autorité).
Les Dieux vs Les Etats Psychologiques
Ce qui semble vraiment différent de nous c’est l’importance des dieux: leur présence agissante dans les affaires humaines(par exemple le rôle d’Aphrodite dans l’aventure amoureuse de Hélène et de Pâris). Chaque personne importante dans l’Odyssée est affiliée à un seul dieu (Télémaque-Athéna, Hélène-Aphrodite). Les dieux interviennent sans obliger les humains, sans exiger leur obéissance. Si on prend l’exemple de Télémaque au début de l’Odyssée nous voyons que l’explication psychologique de l’influence des dieux n’est pas suffisant. La psychologie concerne les croyances, désirs, et motivations d’un individu autonome (leurs états intérieurs). Mais pour Homère il n’y a pas d’intériorité psycholgique. Les désirs, croyances ,sentiments, souvenirs sont dehors, à l’extérieur. Le monde est rempli d’attractions, de répulsions , et de tentations, mais rien de tout ça se passe dans le for intérieur d’un sujet psychologique. Dans la compréhension psychologique des événements,on dirait que Athéna insuffle du courage dans le coeur de Télémaque. Dans la lecture ontologique on dira plutôt que Athéna l’a fait passer dans une nouvelle tonalité affective où d’autres types d’actions semblent appropriés. Ce n’est pas un sentiment intérieur,mais plutôt une manière que le monde a de nous appeler. (Même le rêve est expérimenté comme une visitation extérieure). Ce qui manque à Télémaque pour passer à l’action et chasser les prétendants, ce n’est pas un sentiment intérieur, ce qui manque c’est une perception appropriée de la situation comme état de choses qui l’interpelle en tant qu’adulte. Le courage découle de cette nouvelle perception de la situation qu’Athéna suscite. Athéna transforme l’aspect du monde et accorde sa perception à la situation, qui appelle à agir et non pas à se morfondre. Les dieux sont selon Heidegger « ceux qui accordent ». On ne peut pas grandir et ré-ordonner la situation de l’intérieur de la situation, ce n’est pas une question de volonté. L’élan du changement de paradigme doit venir du dehors, pour permettre une juste relation avec le monde, fondée sur une perception accordé de la situation. Néanmoins, le dieu ne peut pas se substituer à l’expérience nécessaire pour développer une compétence telle que la rhétorique. C’est pourquoi Télémaque lorsqu’il harangue l’assemblée ne peut pas les convaincre de mettre fin à la rapacité des prétendants. Le pouvoir des dieux n’est pas de la magie, mais l’accordement à une situation et à son appel. Ce qui intéresse Homère n’est pas la capacité d’un sujet autonome et responsable de prendre des décisions dans une situation donné, comme dans la vision psychologique. Ce que la vision ontologique trouve intéressant est que la situation peut être vue d’une manière totalement différente et qu’il faut l’intervention d’une puissance extérieure, d’un dieu, pour permettre le changement de perception et l’accordement à la situation.