7) Conclusion
François Laruelle, comme nous tous, a été influencé par les penseurs qu’il a lus, par les discussions qu’il a eues, par leur puissance d’inspiration et par la déception qui reste une fois que l’infatuation a cessé. La philosophie, c’est une histoire d’amour, et les affects qu’elle nous fait vivre peuvent être parmi les plus intenses et les plus importants de notre vie. Dire adieu à nos éducateurs n’est pas une affaire simple et ce ne peut pas être accompli une fois pour toutes. Laruelle, on le voit dans ce livre est toujours en train de dire adieu à quelques aînés, comme Gilles Deleuze et Michel Henry, et de régler ses comptes avec quelques autres, comme Alain Badiou.
Ce problème résonne avec moi, aujourd’hui, puisque je suis en train de vivre un processus similaire consistant à dire au revoir (ou non) à Deleuze (ma plus grande influence) en vue d’un changement de trajectoire projeté, et peut-être timidement entamé.
Mes analyses de TETRALOGOS par François Laruelle sont conduites de ce point de vue. Comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises sur mon blog, le dernier livre de la collaboration de Deleuze et Guattari, QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE ? (1991), est un travail brillant, mais fondamentalement déficient.
Quand j’ai lu L’IMMANENCE DES VÉRITÉS de Badiou l’année dernière, certaines de mes réticences se sont cristallisées. En QU’EST-CE QUE LA PHILOSOPHIE ? Deleuze et Guattari parlent sans cesse de « l’absolu », de « l’extérieur » et de « l’infini », mais leur pensée de l’infini reste trop poétique et intuitive, et ne peut donc pas résister totalement au relativisme.
La lecture de TETRALOGOS de Laruelle a encore consolidé ce problème pour moi. Mon impression générale quant au processus d’adieu à Deleuze, vécu et enregistré ici par Laruelle, c’est qu’en montrant son propre mouvement de pensée dans ce livre, il nous fournit une série de concepts et de perspectives utiles pour revisionner Deleuze, ou tout autre philosophe, et pour mettre en évidence les limites de leur pensée.
C’est cette tentative de Laruelle d’isoler, d’identifier, et d’analyser certains problèmes et limitations dans la pensée de ses prédécesseurs, pour aller au-delà, que j’espère avoir mise en évidence dans ma lecture de TETRALOGOS.
À suivre ce processus, chacun peut être l’un des protagonistes dans sa propre épopée cosmique. Nous serions comme les dauphins à la fin d’un autre opéra d’espace LE GUIDE DU ROUTARD DE LA GALAXIE, laissant la Terre à sa démolition, avec ce message pour les humains : adieu, et merci pour tous les poissons !
Nous pourrions prendre notre envol en laissant Deleuze, ou Badiou, (ou tout autre philosophe formateur de notre compréhension, même Laruelle) derrière nous en disant : « Adieu et merci pour tous les concepts ».
J’espère que vous ferez la même chose avec ce texte.
Une conclusion théâtrale et très pertinente. Vous me donner l’envie de plonger ds Laruelle. Et peut-être écrire en arabe un article sur lui. Je l’ai deja fait pour Deleuze et bientôt pour Rosset. Merci pour toutes vos analyses
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Oui, il faut le faire. Rosset est injustement négligé, même en français, donc bravo là aussi!
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Merci pour vos encouragements. En effet il est injustement négligé
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