Pour un pluralisme non-académique

L’académisme philosophique conjugue hégémonie discursive et primat du cognitif. Dans un article très intéressant Didier Moulinier analyse le parcours de Michel Foucault comme exemple d’une critique de l’habitus philosophique qui doit son statut et ses méthodes à ce même habitus. Un exemple plus récent du même dispositif serait celui d’Alain Badiou. On sait que Foucault essayait de sortir de son académisme philosophique par la pratique d’une écriture et d’une pensée de la transgression, s’inspirant des œuvres de Blanchot, de Bataille, et de Klossowski. Il a abandonné cette voie pour des raisons similaires à celles avancées par Moulinier: la transgression renforce les principes constitutifs du champ avec lequel elle tente de rompre, et ne réussit qu’à les étendre. La transgression n’est qu’une fausse rupture.

C’est toute la tension de la pensée post-structuraliste: comment sortir de la suffisance philosophique par les moyens de cette suffisance? Comment cesser simplement de parler du pluralisme (du multiple, de la différence, du devenir, et du dehors) et le pratiquer réellement?

Pour ma part, je pense que le cas de Gilles Deleuze est plus ambigu. Deleuze critique son propre académisme dans la célèbre “Lettre à un critique sévère”, et il indique que même sa propre philosophie de la “différence” tombe sous la coupe de cette critique. Il affirme que cette “double contrainte” d’une tentative de dépassement de la philosophie académique qui s’accomplit par les moyens d’un académisme élitiste se trouve défaite dès que se noue la rencontre et la collaboration avec Guattari. Même aujourd’hui, 42 années après la publication de L’ANTI-OEDIPE, cette percée hors des cadres de pensée dominants reste inassimilée.

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